Du YOLO à la FOMO: petit historique

Quand est-on passé du “You Live Only Once” (YOLO) à la “Fear Of Missing Out”(FOMO) ? Comment sommes nous passé d’une course à la vie à une situation où celle-ci nous emprisonne? Est-ce un phénomène dû uniquement aux réseaux sociaux ? On reproche à notre génération de se sur-diagnostiquer et de vouloir justifier chacune de ses émotions avec un nouveau nom. C’est la FOMO que de nombreuses personnes ont trouvé, s’y identifiant, la légitimant et l’éloignant de l’étiquette de “tendance”. Nous avons, pour retracer l’histoire de la FOMO, identifié 4 phases principales que nous développons dans cet article: la découverte du phénomène, la prise de conscience du problème, la période du coronavirus et enfin, le futur et les différentes possibilités que l’avenir réserve à la FOMO.

 

Genèse du phénomène (2000/2010)

Étudiant FOMO sans connexion

Le phénomène de la FOMO est formulé pour la première fois dans le journal du Harvard Business School au début des années 2000. L’étude ne renvoie à l’époque qu’au phénomène de vie étudiante. Patrick J. McGinnis, un étudiant de la promo de 2004, écrit un article sur sa théorie: la quantité de soirées, clubs, week-ends, stages, cours qui sont proposés aux étudiants développerait chez eux une peur de rater certains événements. La pression qui leur est mise afin d’être le plus populaire, le plus vu, le plus heureux, crée une véritable anxiété générale de ne pas “tout” vivre.

 

Traumatisme de l’attentat du 11. Septembre

 

Mais les limites du YOLO définissent-elles vraiment le commencement de la FOMO ? En effet, c’est lors de chocs d’envergure comme les attentats du 11 septembre par exemple que se déclenchent les deux processus de manière simultanée. On pourrait alors se demander si la FOMO n’existe qu’en relation au YOLO. Le 11 septembre 2001 marque un tournant majeur dans notre perception de la vie et du monde.

Par opposition au premier phénomène étudié, lié aux étudiants à l’université, nous sommes en présence ici d’une vague d’ambition et de volonté d'accroître nos expériences, qui sont liées non seulement à la conscience de ne ne vivre qu’une seule vie, mais également à la peur de manquer quelque chose. Si la plupart des jeunes se sentent invisibles, le terrorisme a fait prendre conscience au monde que nous sommes vulnérables. Il a pris la vie de jeunes gens qui n’avaient pas eu le temps de vivre. Par ailleurs, cet événement a marqué l’histoire des relations internationales à toutes les échelles, pour toutes les générations, que ce soit par le développement du YOLO ou de la FOMO, dans nos relations aux autres ou dans notre perception des voyages (notamment le cas des contrôles dans les aéroports).

II.        Un problème qui se généralise (2010//2020)

            Facebook, Instagram, Snapchat… Toujours plus de plateformes
Nous vivons actuellement dans une ère nouvelle, régie par la puissance de la technologie et par l’avènement des réseaux sociaux. Si la FOMO à été accentuée par les réseaux sociaux, elle à également permis aux réseaux sociaux de se développer. La FOMO aurait alors été utilisée par les réseaux sociaux comme une arme marketing. En effet, le principe de la story – aujourd’hui présent sur tous les réseaux sociaux –, celui des flammes sur snapchat et celui de la géolocalisation permettent de fournir un “visuel” de la vie et des actions des autres à chaque instant, et ces principes fonctionnent grâce à la FOMO , à la peur de ne pas faire partie de ce monde virtuel et de la vie réelle qui se cache derrière. Des pages Instagram, Facebook etc… sont dédiées au syndrôme de la FOMO, présentant aux abonné.es les diverses choses à ne surtout pas rater dans au cours de son existence. La FOMO est donc un élément direct de marketing est un instrument permettant aux réseaux sociaux de se développer toujours plus et de développer encore plus la FOMO. C’est le serpent qui se mord la queue.

Nouvel ordre des relations sociales :nouveaux amis ou nouveaux followers? 

Les réseaux sociaux nous accompagnent depuis 20 ans et pendant cette période et surtout récemment, ils ont subi une évolution et un processus de transformation radicale, changeant aujourd’hui la manière de communiquer avec les autres. Aujourd’hui, les plateformes virtuelles comme Facebook, Whatsapp, Instagram et Snapchat permettent d’échanger constamment avec nos contacts et abonnés et nous laissent partager des photos et vidéos sur notre quotidien. Cette communication constante avec les autres comprend des avantages, mais aussi des inconvénients.

 

Grâce à ces outils, l'on peut s’ouvrir sur d’autres cultures et diffuser des informations en un temps record. Les réseaux sociaux nous permettent aussi de créer notre propre monde parallèle et virtuel, où l’on peut façonner un espace de créativité immense. En plus, pour certaines personnes cette nouvelle dimension virtuelle représente un endroit de refuge où il est possible d’échapper à la réalité.

 

Dans ce monde virtuel, on peut devenir un nouveau personnage entretenant des rapports sociaux différents à ceux dans la vie réelle. On forme de nouvelles amitiés (souvent elles n’existent que dans ce monde digital), on partage notre vie avec les autres, montrant notre quotidien ou plutôt nos meilleurs moments de ce quotidien, ce qui peut changer la perception que les autres ont de nous. Mais cette perception partielle que les autres ont de nous ne nous dérange pas et souvent on va commencer à vivre en se soumettant à ces règles. On commence à sentir la FOMO quand on n’est pas invité à certains événements. On veut toujours faire partie de tous ces bons moments que les autres partagent sur les plateformes. C’est justement à ce moment-là que les réseaux sociaux deviennent dangereux car ils changent drastiquement notre rapport avec les autres et ne désignent pas toujours la réalité des situations sociales. On se sent souvent exclu et seul en regardant constamment les publications des autres, ce qui peut sembler paradoxal car dans un monde qui n’a jamais été autant connecté on se sent plus déconnecté que jamais. On s’est rendu compte à quel point les réseaux peuvent aussi changer nos manières de penser, nos habitudes, notre comportement et nos valeurs.

 

On commence à vivre pour les autres. On craint toujours le fait de ne pas être à la hauteur des nos abonnés sur les réseaux sociaux. On crée un nouvel espace facilitant la communication, certes, mais en même temps nous changeons notre façon d’être en présentant une personne qu’on rêve d’être ou de devenir en lieu et place de celle que l’on est réellement.

III.             Covid : changement radical (2020//2022)

Entre 2020 et 2022, le monde s’est retrouvé ralenti ou à l’arrêt en raison de la pandémie du Covid 19. Dans la mesure où tout le monde restait chez soi, rien de particulier ne se passait, donc tout le monde avait l’impression d’être spectateur et pourtant personne ne ratait un événement. Dans un premier temps, nous verrons en quoi le phénomène de la FOMO s’est développé dans une vie devenue virtuelle, avec une perméabilité croissante entre la vie professionnelle et la vie privée, et dans un second temps nous analyserons le caractère paradoxal du développement de la FOMO par l’ubiquité des réseaux sociaux en l’absence de vie sociale physique. La réalité physique fut transférée vers les réseaux sociaux.

 

Durant la crise du Covid, nous avons donc pu observer une prédominance des réseaux qui se traduisent par un besoin constant et cela démontre d’une déconnexion difficile. La FOMO pendant la période de Covid a surtout été présente dans la vie professionnelle. Mais la vie professionnelle et la vie personnelle se retrouvent confondues en ligne. Le développement de la FOMO pendant la période du Covid est assez paradoxal, puisqu’avec le confinement, beaucoup de personnes se sont vues obligées de rester connectées, mais l’absence d’événements a marqué une atténuation du phénomène. C’est pourquoi la nécessité de se connecter se fait encore plus pressante, par crainte de se retrouver exclu de son travail ET exclu de sa vie privée.

IV.             Futur (2022//2030): detox and chill ou Black Mirror?

 

Essor de la tendance à se déconnecter

Nous sommes aujourd’hui dans une phase de l’histoire de la FOMO où l’on cherche de plus en plus à se déconnecter. L’essor de la tendance qui vise à se déconnecter, de la “détox”, se fait sentir dans beaucoup de domaines aujourd’hui, que ce soit dans le milieu professionnel ou sur les réseaux. Cependant, l'élément le plus paradoxal que nous trouverons à ce sujet: la déconnexion peut passer par la connexion, en effet, c’est en ligne que l’on trouve le plus d'astuces, de conseils et de moyens de se déconnecter. Il s’agit donc de se déconnecter grâce à la connexion. Cela vous semble paradoxal ? A nous aussi! Mais c’est ce même paradoxe que l’on retrouve avec l’utilisation de la FOMO par les réseaux et son amplification. L’hyper connexion est toujours surprenante et nous réserve encore bien des surprises.

 

Sur-connexion due au progrès technologique

Enfin, une sur-connexion pourrait conduire à un accroissement des peurs provoquées par les réseaux tel que la FOMO dont nous parlons ici, mais aussi d’autres peurs et anxiétés. Il y a aujourd’hui une réelle nécessité d’aller vers la modération et d’apprendre à vivre avec avec l’hyper connexion sans que cela ne devienne un frein ou une prison pour le bien être et la créativité de l’homme. Dans notre monde qui cherche toujours à se surpasser et à aller plus loin dans les recherches technologiques, il nous faut prendre conscience des risques que tout cela entraîne et des choses simples de la vie que nous pourrions perdre si l’on continue dans ce sens. Nous voyons, depuis plusieurs décennies, des films de science-fiction représentant des androïdes, qui sont le résultat d’une hyper connexion de l’humain lui-même, cela peut sembler alarmant et implique une réflexion pour savoir s’arrêter à temps dans cette ère connectée avant que le monde s’en transforme en Black Mirror.

Voici donc l’histoire générale de la FOMO, de sa genèse à son avenir. Si sa naissance est lourde de sens, portant le fardeaux de traumatismes ancrés dans son époque, son avenir pourra être prometteur, ou non. C’est à nous d’écrire son histoire et sa suite. Qu’en pensez-vous ?

 

BD, CR, MS, CD