Ce nuage m’est si agréable, il me parait onctueux même sucré, et cette lumière rosée nuancée de douceurs orangées…qu’elle est tranquille. Je pourrai rester précisément là des heures.

Voilà Heidi, toute blanche, elle ici, avec moi, elle se confond dans le coton et…Le réveil sonne.

Enfin, il hurle. Chaque matin, pendant quelques secondes à peine, c’est le même bourdonnement. Quand vais-je me décider à remplacer cette cacophonie ? Cette fanfare est pénible. Cette passerelle entre ce doux rêve et cette réalité…je pourrais la rendre moins amère. 

Je suis réveillée, je serai bien restée plus longtemps avec Heidi, mais je suis réveillée. Mes yeux se sont ouverts en sursaut sans que je n’ai pu avoir le temps d’en faire l’expérience. Ma tête est encore lourde, je ne sais pas combien de temps je vais mettre à la lever. Ce corps non plus d’ailleurs, il me parait fatigué. Je trouve pourtant la force de tourner la tête, je constate que je suis bien seule. J’en suis étonnée, j’en suis toujours étonnée. C’est néanmoins bien honnête, puisque je me suis couchée hier seule, encore. Lui, a décidé de rester là-bas. 

Je glisse un pied hors du lit, mes draps ne sont pas doux. Puis je sors l’autre pied. Je ne m’habituerai jamais à ce changement de gravité. Ma tête et le reste de mon corps me suivent encore jusque-là. J’entends les travaux devant chez moi, la première ligne de métro paraît-il. Je me suis accommodée à ce bruit-là, il m’est familier, je dirai même qu’il partage ma vie de 8h à 18h. En un sens, il me rassure ; c’est que la vie continue. En tout cas, ici, elle construit. 

Je suis debout, ça y’est. Je me dirige vers la porte fenêtre de ma chambre, d’un pas peu motivé, mais il suffira pour atteindre ma destination. Il me faut de la lumière, mes yeux en ont besoin pour réaliser que la journée est entamée. Alors je tourne la manivelle, vers la droite comme d’habitude. Au bout de deux tours, elle bloque, c’est normal. Je dois simplement mettre un petit plus d’envie à ce moment-là, c’est toujours un tour assez coriace. Le volet monte petit à petit, la lumière s’étend de plus en plus et de tout son long dans la pièce. Mes yeux se plissent, ils ont décidé de la mettre à un niveau éblouissant aujourd’hui. Ici, on en a besoin de cette lumière, on est moins proche du Soleil mais bon, je trouve qu’ils exagèrent, ce n’est pas très écologique. 

J’entends évidemment encore mieux le chantier, je peux même les apercevoir avec leur casque jaune, ils « marteau-piquent ». Rien n’a changé depuis hier soir, vraiment rien. Peut-être les immeubles ont-ils pris un étage ? Ça peut leur arriver. Le ciel est bleu aujourd’hui, mais il était hier.

Le sol est rouge, mais il l’était hier. Je ne suis là que depuis quelques mois mais une routine arrive si vite. J’entends alors un bruit assourdissant, s’en suit un grand jaillissement de feu. Ah oui, la première fusée de la journée : direction la Terre. Quand j’ai répondu positivement à l’appel adressé aux citoyens de la Terre pour vivre ici, je n’avais pas réfléchi à mon budget. Je suis journaliste, en arrivant je n’ai pu me prendre qu’un appartement qui se situait près de la base de décollage. Et je les vois tous les matins décoller, dans 17 jours je serai dans l’une des fusées, je rentre toujours passer les fêtes avec ma famille. 

Bon, je dois m’y mettre, mon article ne s’écrira pas seul. « Le Mars », quel nom bâclé pour le premier quotidien diffusé sur cette planète. 

 

SML