Le reste de la France va bien disent les médias

6 décembre 2031, je me réveille. Je cogite, je n’ai pas envie de me lever, encore une journée à être enfermée. Après quelques minutes d’hésitation, je me décide à mettre mon masque afin d’ouvrir la fenêtre, rouillée et salie par la pollution, puis les volets devenus gris qui furent autrefois blanc. Cet été, je n’ai pas pris la peine de les repeindre en blanc, à quoi bon ils se salissent tout les ans et il faut toujours recommencer. Nous n’avons toujours pas la permission de respirer l’air de dehors. On aperçoit cependant, au-delà du dôme de paris, un ciel bleu. Mais ici tout est gris. Les oiseaux ont migré, ils se sont installés à la campagne, là où l’air est encore frais. Les plantes ne sont plus qu’artificielles, faute des minéraux dans le sol et l’air pollué. Elles non plus ne respiraient plus. Il est dix heures du matin, mais le voile ne se lèvera pas. La pollution confinée, comme nous sous le dôme, ne fait qu’empirer. Le jour et la nuit se ressemble, ce nuage gris que les rayons du soleil ne transpercent plus depuis quelques années déjà, nous plonge dans le noir le plus complet.

Le chant des oiseaux me manque, tout comme l’air frais et les arbres. Ici tout est béton, gris et sombre. Même mon masque blanc sera teint en gris d’ici la fin de la journée. Ici, tout ce qu’on entend, c’est le bruit ahurissant des voitures. On ne sent rien, impossible avec les masques.

Je voudrais que tout s’arrête, que le dôme soit levé, que l’air redevienne sain et qu’on ait le droit de bouger dehors, qu’on ne soit plus confinés. Le reste de la France va bien. Le ciel est bleu, les oiseaux chantent et les plantes poussent, du moins d’après les images des médias. Mais ici tout est gris. J’aimerais respirer l’ai frais, sentir la pluie sur mon visage et le vent effleurer mes cheveux. Mais sous le dôme, la météo est la même chaque jour. Pas une goutte de pluie, pas une brise, juste ce nuage gris. La boulangerie en bas de chez moi est ouverte, mais le masque empêche de sentir l’odeur du pain bien cuit. Pourquoi un masque me diriez vous ? La pollution, les virus, tout. Sous le dôme l’air est toxique. Nous sommes confinés, depuis des années. Le reste du pays quant à lui est sain, encore une fois, d’après les médias.

J’ai rendez-vous à 15h chez le médecin, encore un vaccin. Mais je vais pouvoir aller jusqu’à la barrière, poser mes mains contre la vitre, en faisant moi même barrière au nuage gris, afin d’essayer de percevoir ne serait-ce qu’un petit rayon de soleil. C’est mon rituel depuis trois ans. Au début ça marchait, mais depuis quelques mois, plus rien. Les voitures ont empiré la condition de l’air sous le dôme. Il paraîtrait qu’on pourra le percer afin que l’air rentre à nouveau, une fois qu’elles ne rouleront toutes plus.

En attendant, le seul bruit que j’entends est ahurissant. Les gens ne parlent plus dans la rue, malgré les masques, ils ont peur que les microparticules infectent leurs gorges Si on tend l’oreille, on perçoit des bruits de machines, toute sortes de machines : les gens essayent tant bien que mal de percer le dôme. On entend les outils se briser un a un contre la paroi.

10h30, la voisine d’à côté joue du piano, accompagné de sa fille au chant. Les murs entre les maisons sont fins, contrairement à ceux qui donnent sur l’extérieur. Je peux donc les entendre. Ça m’apaise, de savoir que malgré tout certains ne vivent pas le confinement comme moi. Ça me redonne de l’espoir. Ma passion c’était courir, marcher dehors en pleine nature. Mais ici ça n’existe plus.

Mon chat me manque, les animaux n’ont pas survécu à la pollution de Paris. Avant, les gens pensaient que le nuage gris était inoffensif, qu’il ne nous ferait rien. Jusqu’au jour où les animaux ont commencé à mourir et qu’ils décidèrent de nous enfermer sous ce dôme.

11h, J’entends ma mère crier d’en bas, le petit déjeuner est prêt. Je referme la fenêtre, allume le purificateur d’air, attend dix minutes puis j’enlève mon masque.

 

EOC